Moha tousse.La quinte le reprend.L'infirmière le redresse.Il sourit.
.Vous avez quel âge , lui dit-il ?
26 ans ya baba , lui répond l'infirmière en soulevant avec délicatesse les bras de Moha.
Quelques gouttelettes de larmes brillent sur la moustache de Moha.
Moha se retourne vers moi.Allume ton dictaphone , me dit-il !
Aujourd'hui , tu trouveras le titre de ton livre .Je te récite la même histoire mon ami, me dit-il.
Tu es patient.Beaucoup plus patient que ma progéniture.
Hier , j'ai fais un cauchemar , un cauchemar terrible , terrible , répète Moha.
J'ai revu des scènes d'il y a 15 ans .J'ai la mère de mes enfants me jeter des pierres alors que j'étais mort ! Je l'ai vu crier :tu ne me payes pas pour que je te fasse à manger ! Elle me jetait des pierres et hurlait :"Pourquoi je te repasserai tes vêtements , je ne suis pas ta mère !
Mon cauchemar a duré longtemps..Le temps de traverser la mer en nageant jusqu'a Relizane.
Je me suis retrouvé devant mon père qui m'a pris dans ses bras , me dit Moha un peu affolé.
Mon père me consolait.Il souriait.
Dieu te récompensera mon fils , me disait il .
Tu as fait ce qu'il fallait.Les enfants qui ne respectent pas leurs parents ne méritent pas la tendresse.Tu as fait ce qu'il fallait mon fils !
Mon père pleurait et ma mère s'adonnait à la prière.
Je la voyais prendre des pierres lourdes et construire une mosquée au seuil de notre porte.
Je ne peux que prier pour toi , mon fils !
Quel est le sentiment d'une personne qui a consacré dix huit année de sa vie à élever ses enfants quand ces derniers ne daignent même s'excuser parce qu'ils ont péché , me dit Moha.
Je n'ai pas d'enfants , répondais-je.Je ne peux te dire mon sentiment.
L'infirmière avait tout écouté.Elle se penche sur Moha , les larmes aux yeux et dépose une bise sur son front.
J'aurai aimé avoir un père , dit-elle .
Le mien est mort le jour ou je suis sorti de chez moi .Je voulais être indépendante.Je lui cherchais les petites bêtes.Je faisais tout pour l'énerver.C'était le "daron", brute et tendre.
Il s'énervait car mes notes à l'école n'était pas à la hauteur de ces attentes.Il voulait que je sois la meilleure, sa fierté..Et moi , ya baba...Que Dieu me pardonne.
D'un pas furtif , l'infirmière quitte la chambre .
Moha sourit .J'aurai aimé entendre une de mes filles dire devant moi : "que Dieu me pardonne", me dit-il.
Dés que je quitte ce monde , j'irai à la recherche de son père , me dit Moha souriant.
Je le trouverai et je lui répéterai ce que sa fille , par ses paroles a soulagé , un temps soit peu ma douleur.
Les Mureaux , le 06 Février 2015